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PREMIERE PARTIE

 

INTRODUCTION

 

La Guerre d’Espagne (1936-1939) qui fut provoquée par la révolte des Militaires, aidée et encouragée aussi bien par les riches propriétaires terriens et industriels, que par l’Église, a été généralement considérée, dans les milieux progressistes hors d’Espagne, comme une lutte entre le Fascisme et la Démocratie, cette dernière étant représentée par le gouvernement de Front Populaire, sorti victorieux des élections générales de février 1936.

Une telle interprétation de la situation a pu servir, à l’époque, de moyen pour obtenir l’appui de démocraties (bien qu’en fait elle n’ait reussi qu’à gagner les sympathies populaires, car les gouvernements démocratiques exclurent rapidement l’Espagne Républicaine de l’Europe par leur politique de non-intervention), Mais une pareille simplification, des événements résiste difficilement à un examen, a la lumière des faits. Les preuves sont nombreuses qui démontrent que, s’il n’avait tenu qu’à lui, le gouvernement de Front Populaire n’aurait offert aucune résistance à Franco. En fait, sa première réaction, devant l’insurrection, fut de chercher a «traiter» avec Franco, et quand il eut reçu de celui-ci un refus catégorique, il préféra la défaite plutôt que d’armer le peuple. Si donc, dans ces premiers jours de la lutte, Franco fut battu dans les deux tiers de la Péninsule, nous devons en chercher les raisons ailleurs.

Ce fut le mouvement révolutionnaire espagnol, l’organisation syndicale CNT (Confédération Nationale du Travail) et certaines fractions de l’UGT socialiste (Union Générale des Travailleurs) qui relevèrent le défi de Franco le 19 juillet 1936, non comme soutiens du gouvernement de Front Populaire, mais au nom de la Révolution Sociale. Jusqu’à quel point furent-ils capables de mettre en pratique leurs principes sociaux et économiques en même temps qu’ils s’engageaient dans la lutte armée contre Franco, est en soi un sujet de recherche; et dans les chapitres où j’ai traite des collectivités agricoles et industrielles, j’ai seulement esquissé cet aspect important, et pourtant néglige, de la révolution espagnole. Un jour, peut-être, la vaste documentation sur ce sujet sera-t-elle recueillie et publiée.

Dans cette étude, je me suis appliqué à rechercher les raisons de la défaite de la révolution plus que celles de la victoire militaire de Franco. Car une révolution peut échouer autant par le fait de scissions internes que par la supériorité des armées ennemies. Il est vrai que la victoire de Franco fut en partie le résultat de l’intervention allemande et italienne, jointe à la politique de non-intervention qui, pratiquement, toucha seulement les forces républicaines. Il est vrai aussi que la scission des -forces « républicaines » fut le résultat de la tactique d’inspiration moscovite acceptée en échange des armements russes. Mais cela aussi n’est qu’une partie de la vérité. Car il reste cette incontestable réalité que, durant les premières semaines de combat, ni l’intervention italienne, ni celle des Allemands ou des Russes n’avaient influencé la lutte de manière décisive, comme elles le firent quelques mois plus tard.

Jusqu’à quel point, alors, le mouvement révolutionnaire futil responsable de sa propre défaite ? Était-il trop faible pour aller plus avant dans la révolution ? Dans quelle mesure l’acquisition d’armes et de matières premières à l’étranger dépendait-elle du maintien d’une apparence de gouvernement constitutionnel à l’intérieur de l’Espagne Républicaine ? Quelles possibilités, avait une armée improvisée de «guerrilleros» contre une force armée régulière ? C’est là quelques-uns des problèmes pratiques en face desquels se trouvèrent le mouvement revolutionnaire et ses chefs. Mais en cherchant à résoudre ces problèmes les anarchistes et les syndicalistes révolutionnaires durent en affronter d’autres qui mettaient en cause les fondements théoriques et moraux de leurs organisations. Jusqu’à quel point pouvaient-ils collaborer avec les partis politiques et avec l’UGT (l’équivalent socialiste de la CNT à laquelle adhérait la moitié des travailleurs organisés) ? Dans quelles circonstances y avait-il lieu d’appuyer une forme de gouvernement contre une autre ? Fallait-il arrêter l’impétuosité révolutionnaire des premiers jours de résistance dans «l’intérêt» de la lutte armée contre Franco, ou bien fallait-il accepter qu’elle se développe jusqu’à ce que les travailleurs soient capables et prépares à la soutenir ? La situation rendait-elle possible le triomphe de la révolution sociale ? Sinon quel devait être le but des travailleurs revolutionnaires ?

Au cours des années, ces questions sont devenues non plus seulement cadémiques mais réelles et en même temps sujets de controverses pour les travailleurs espagnols qui ont continué la lutte contre Franco, soit en Espagne, soit en exil. Néanmoins, il s’écoulera encore beaucoup d’années avant que soit écrite une histoire complète et objective de la Révolution espagnole. Un grand nombre de documents ont été enfouis dans les archives des organisations ou dispersés, et les témoignages individuels de ceux qui eurent des fonctions importantes sont encore à recueillir. Une autre difficulté, et non des moindres, est la profonde divergence d’opinions, aussi bien en Espagne que dans l’exil, entre les militants espagnols, qui voudraient replacer le mouvement révolutionnaire dans sa position traditionnelle antigouvernementale et anticollaborationniste, et ceux pour qui l’experience des années 1936-1939 a renforcé la conviction que le mouvement révolutionnaire doit collaborer avec le gouvernement et avec les institutions gouvernementales s’il ne veut pas disparaître. Cette étude se présente donc comme une très modeste tentative pour éclairer et interpréter quelques-uns des nombreux problèmes de la Révolution espagnole.

Pour ma recherche des faits, je me suis servi de documents officiels. Leur grand nombre m’a empêche de les reproduire intégralement, mais j’ai fait de mon mieux pour ne pas en altérer le sens, quand j’en ai fait des citations en dehors de leur contexte. Et par loyauté , envers les camarades espagnols qui me critiqueront, je prends toute la responsabilité des opinions exprimées. Quelques-uns m’ont reproche ma sagesse rétrospective et aussi d’avoir écrit sur des événements dont j’ai été seulement spectateur, et de loin. Je rappelle ces critiques pour avertir le lecteur de ma capacité limitée, face à un sujet si complexe. Il me semble toutefois qu’il peut être retenu pour ma défense que la plupart des considérations critiques contenues dans ce livre ont été exprimées par moi au cours des années 1936-1939,dans les colonnes du journal «Spain and the World» et que cela ne m’empêcha pas, alors, et ne m’empêche pas, aujourd’hui, de me sentir pleinement solidaire de la lutte des travailleurs espagnols contre le regime de Franco.

On m’a fait observer aussi que cette étude fournissait des arguments aux ennemis politiques de l’anarchisme. Outre que la cause de l’anarchie ne peut être compromise par une tentative d’établir la vérité, la base de ma critique n’est pas que les idées anarchistes se soient démontrées irréalisables dans l’expérience espagnole, mais que les anarchistes et les syndicalistes espagnols n’ont pas réussi à mettre en pratique leurs théories, adoptant au contraire la tactique de l’ennemi. Je ne vois donc pas comment les adeptes de cet ennemi, c’est-à-dire le gouvernement et les partis politiques, pourraient user de cette critique de l’anarchisme sans qu’elle retombe sur eux !

Ce livre n’aurait jamais été écrit sans la publication à Toulouse, des volumes de «La CNT en la Revolucion Espanola». Cette ceuvre contient des centaines de documents relatifs au rôle de la CNT dans la lutte espagnole, et je désire déclarer tout ce que je dois à son compilateur, Jose Peirats, et a la section majoritaire-de la CNT en exil, qui en ont été les éditeurs. Parmi les nombreuses autres sources que j’ai consultées je dois citer particulièrement l’ceuvre sincère de D. A. de Santillan «Por que perdimos la Guerra» et «Le labyrinthe espagnol» de Gerald Brenan. Le livre de M. Brenan, érudit, et de lecture fort agréable, ne sera jamais assez recommandé au lecteur qui serait peu familiarisé avec l’ambiance politique et sociale espagnole et en particulier avec le rôle important du syndicalisme et de l’anarchisme révolutionnaire.

 

V. Richards, juillet 1953.

 

Note du traducteur

 

 

Il est impossible de parler de la guerre d’Espagne en oubliant les anarchistes, dont tous les auteurs — hommes politiques et historiens — reconnaissent le rôle, en bien ou en mal. Nous avons choisi de traduire ce livre parce qu’il est écrit par un anarchiste non espagnol, donc plus capable de recul et d’objectivité; parce qu’il est historique et en même temps critique; parce que sa forme et son style le rendent attrayant et didactique.

L’auteur est un anarchiste anglais, d’origine italienne, qui fut le compagnon d’une des filles de Camillo Berneri (voir chapitres II et VIII) assassine à Barcelone en mai 1937 par les tchékistes russes, dirigés en la circonstance par Togliatti.

Cet ouvrage est toujours utilisé et cité tant par Broué-Temine que Bolloten ou Chomski. Il nous a incité à publier une étude sur l’autogestion pendant la guerre civile.

Enfin, tant pour la présentation que la traduction, nous avons suivis les éditions anglaise de 1972, italienne de 1957, et espagnole de 1971.

 

Frank MINTZ

 

NOTES

 

Les abréviations qui suivent correspondent à différentes organisations et a différents partis politiques :

CNT : Confederacion Nacional del Trabajo (Confédération Nationale du Travail). L’organisation syndicaliste révolutionnaire influencée par les anarchistes.

FAI : Federación Anarquista Ibérica,

UGT : Unión General de Trabajadores. L’organisation syndicale réformiste controlée par les socialistes.

PSOE : Partido Socialisla Obrero Español.

PCE : Partido Comunista Español.

PSUC : Partit Socialista Unificat de Catalunya. Combinaison des partis socialiste et communiste de Catalogne, avec des éléments de la bourgeoisie des oranges de Valence, différents petits groupes socialistes de droite, avec peu de militants ouvriers manuels, et quelques éléments de l’Esquerra (le parti nationaliste catalan du colonel Macia) et des rabasaires (le parti des métayers catalans), Certains riches industriels y adhérèrent également, au niveau des cadres. «La situation était donc étrange et peu commune; on avait le proletariat de Barcelone, enorme masse compacte avec ses traditions révolutionnaires, face auquel se dressaient les employés de bureaux et la petite bourgeoisie organisé et armés par les communistes.» (Brenan, o.c. p. 227).

POUM : Partido Obrero de Unificación Marxista. Parti formé de différents groupes — surtout catalan et madrilene marxistes — Maurin, Arquer —, dont l’un, celui d´Andrés Nin, était dissident du trotskisme, ce qui vallut au POUM d’être la cible de la propagande communiste et d’être associe à l’espionnage franquiste (après mai 1937, tous les accusés du POUM furent finalement acquittés).


 

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