La Révolution
est trop souvent assimilée á la Russie, à une certaine image du marxisme qui
oublie la création de la Tchéka (commission extraordinaire de lutte contre le
sabotage et la contre-révolution) par Lénine, la répression du soulèvement
populaire de Kronstadt, de l’Opposition Ouvrière — pourtant opposée aux
Kronstadtiens — et du mouvement anarchiste d’Ukraine par le même Lénine,
avec l’accord de Trotsky et de Staline.
Plus récemment,
l’invasion de la Tchécoslovaquie, les mesures contre les quelques
intellectuels russes dignes de ce nom, les accords économiques avec l’Ouest
(gazoducs avec les USA et l’Europe occidentale), sans oublier la coexistence
nord-americano-chinoise et les relations diplomatiques entre Pékin et Ankara et
Madrid, démontrent que le marxisme-léninisme n’est que l’idéologie
d’une nouvelle classe dirigeante identique à
la nôtre.
La Révolution
pour l’émancipation des travailleurs, une pratique non tarée, il faut les
chercher plus près de nous, dans
l’Espagne de 1936-1939, dont les aspects sociaux commencent á être connus grâce
à Chomsky, Guérin, Leval, Lorenzo et nous-mêmes. Des millions de travailleurs
faisant tourner les usines et s’occupant des cultures et transformant l’économie
de consommation capitaliste en économie de guerre, en dépit du sabotage des républicains.
Des travailleurs en train de faire une révolution, avec leurs contradictions,
leurs discussions, sachant ce qu’ils ne veulent plus subir mais tâtonnant
pour arriver à une nouvelle vie, refusant par avance et par expérience
d’approuver les yeux fermés leurs dirigeants, parce que « l’ordre, la
discipline» dans ces circonstances ne sont que les armes des traîtres qui
veulent désarmer le peuple et rétablir la police qui protégera leurs propriétés.
La Révolution ne peut se juger que par un critère: la situation des
travailleur, leur niveau de vie, leur pouvoir. Et ce fut en Espagne uniquement
que les travailleurs eurent assez de lucidité et de force, grâce á la
formation anarchiste, pour concrétiser dans l’économie leur idéal d’émancipation
par eux-mêmes.
«Ni Berlin
ni Moscou», suggérait l’anarchiste italien Camillo Berneri peu avant d’être
assassiné a Barcelone par des tchékistes hispano-russes, commandés par
Toglialli, semble-t-il. Un voile de crimes, de censure et de calomnies a été
tendue tant par la droite — fasciste et démocratique — que la gauche —
communiste et socialiste — pour cacher cette expérience des travailleurs qui
montre que le patronat, les guides politiques furent inutiles, comme ils le
sont, si ce n’est pour exploiter, ou créer de belles analyses justificatives.
Comme s’il pouvait y avoir un choix entre les missiles nordaméricains ou
russes en Indochine ou en Palestine, la contre-révolution au Chili ou en Tchécoslovaquie.
L’anarchisme
serait-il la nouvelle panacée?
Peut-être,
sans doute, mais certainement pas tel qu’il le fut au niveau des dirigeants
libertaires en Espagne, comme nous le montre ce livre anarchiste. Et c’est une
des leçons de cette
doctrine que de refuser la justification des erreurs, même sous couvert d’une
expérience «politique» dont les travailleurs n’ont que faire, pas plus que
le développement de l’industrie lourde en URSS ou les autoroutes italiennes
et allemandes ne justifient l’exploitation, les camps de concentration
qu’ont subis et subissent les travailleurs au nom d‛idéologies dont le
fond est le même.
La capacité,
les qualités et aussi les défauts des travailleurs anarchistes espagnols sont
un exemple pour tous de ce que peuvent realiser et concevoir les ouvriers et les
paysans avec une idéologie non autoritaire — dont pourtant bien des aspects
étaient critiquables. Mai 1968 en France et décembre 1970 en Pologne, dans le
capitalisme parlementaire et dans le capitalisme de parti unique, enseignent par
leur refus profond de la hiérarchie que le courant non autoritaire est le sens
spontané et incontestable de tout mouvement anti-exploiteur.
Ce lirre-ci
est tout autant un condensé clair et dense de l’histoire de l’anarchisme
espagnol pendant la guerre qu’une discussion théorique appréciée par des
historiens aussi divers que Noam Chomsly, Broué, Bolloten, Maidanik,
respectivement libertaire, trotkiste, libéral et marxiste soviétique.
Frank MINTZ.
P. S. Au cours de la traduction, nous avons vérifié les citations dans la langue originale ou dans l’edition française pour les ouvrages suivants: José Peirats La CNT en la revolucion española; Juan Peiro Problemas y Cintarazos Camillo Berneri Pensieri e Battaglie; Jesus Hernandez La Grande Trahison; Gerald Brenan Le Labyrinthe espagnol; Krivitski Agent de Staline; Kropotkine la Grande Révolution; revue Tiempos Nuevos (avril 1945) El congreso confederal de Zaragoza; Abad de Santillan Por que perdimos la guerra; Victor Alba Historia de la segunda republica espanola.
C’est
d’un point de vue anarchiste, et sans fausse fidélité ou considérations
opportunistes, mais aussi avec modestie et compréhension, que nous devrions
chercher a tirer des enseignements de la révolution espagnole. Je suis
convaincue qu’une admiration aveugle, exempte de toute critique affaiblira
bien plus notre mouvement que l’admission sincère des erreurs passées.
Maria Luisa
BERNERI
A la Mémoire
de Camillo
BERNERI
et de Maria Luisa BERNERI
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